Paris – La prévalence de l’obésité et du surpoids est plus forte chez les hommes, mais elle progresse plus vite chez les femmes.
C’est le mal du siècle du monde occidental. En février dernier, la revue The Lancet publiait une étude qui évaluait à un milliard le nombre de personnes obèses sur la planète, soit plus d’un humain sur huit.
Un chiffre qui avait augmenté de 360 % depuis 1990, alors que la population mondiale n’a augmenté dans le même temps que de 66 %. Plus récemment en juillet, les données de l’European Health Interview Survey montraient qu’en 2019, plus de la moitié (51 %) de la population européenne était obèse ou en surpoids.
Dans l’ensemble de ces études internationales, la France était considérée comme un bon élève, avec une prévalence de l’obésité et du surpoids relativement faible par rapport à d’autres pays occidentaux, notamment les Etats-Unis. Mais ce n’est pas pour autant que notre pays est épargné par cette « épidémie » de surpoids, loin de là. La dernière étude publiée par Santé Publique France (SPF) ce mardi montre comment la corpulence des Français a fortement augmenté ces dernières années.

L'obésité recule chez les hommes et progresse chez les femmes
L’étude repose sur les données des baromètres santé réalisés chaque année par SPF de 1996 à 2017.
Ce sont au total 124 514 adultes qui ont été interrogés durant ces douze années et auxquels ont été demandés leur poids et leur taille afin de pouvoir calculer leur indice de masse corporelle (IMC).
Pour rappel, l’obésité est définie par un IMC supérieur à 30 et le surpoids par un IMC compris entre 25 et 30. Les auteurs de l’étude ont bien conscience que ces données purement déclaratives ne sont pas aussi précises que des données mesurées et qu’un phénomène de sous-déclaration (les gens se voient souvent plus beau qu’ils ne sont) est inévitable. Mais ces données permettent tout de même de mesurer l’évolution de la corpulence des Français.
Sans surprise, la corpulence déclarée des Français a augmenté durant la période étudiée.
Chez les hommes, la prévalence déclarée du surpoids ou de l’obésité est passée de 40,2 % en 1996 à 50,1 % en 2017 et celle de l’obésité de 7,4 % en 1996 à 12,9 % en 2017. On observe cependant qu’après avoir augmenté continuellement pendant plus de dix ans, la part des hommes en surpoids/obésité a quasiment stagné entre 2008 et 2017, autour de 48-50 %. La prévalence de l’obésité chez les hommes a même reculé sur la fin de la période étudiée, passant de 14,5 % en 2016 à 12,9 % en 2017 (soit une baisse de 11 %). L’augmentation de la corpulence des hommes semble donc avoir atteint un plafond de verre.
L’évolution est bien différente chez les femmes. Certes, elles sont moins enclines à avoir une corpulence excessive que les hommes, mais la tendance est ici à la poursuite de la hausse : la part des femmes déclarant un surpoids ou une obésité est ainsi passée de 24,7 % en 1996 à 38,8 % en 2017, sans connaitre le même fléchissement que chez les hommes. L’augmentation de l’obésité est encore plus nette : seulement 5,6 % des femmes se déclaraient obèses en 1996, contre 14,1 % en 2017, soit plus que chez les hommes.
Une tendance à la "normalisation" du surpoids
Ces résultats déclarés ont pu être comparés avec des données mesurées et plus objectives obtenues lors d’études réalisées en 2006 et 2015. Le phénomène de sous-déclaration est net, notamment chez les femmes mais a tendance à diminuer. Ainsi, en 2006, 9 % des personnes interrogées déclaraient un poids correspondant à une obésité, alors que c’était en réalité 17,5 % des femmes et 16 % des hommes qui souffraient d’obésité. Mais en 2015, l’écart s’est réduit : 12,2 % des hommes se déclaraient obèses (contre 16,6 % en réalité) et 11,7 % des femmes reconnaissaient leur obésité (contre 17,4 % en réalité).
Une sous-déclaration moindre qui pourrait être due à la « normalisation » du surpoids et à l’évolution du regard de la société sur la corpulence avance SPF.
Si les données issues de cette étude de SPF sont donc sans doute sous-évaluées, elles confirment la tendance à la hausse du surpoids et de l’obésité retrouvée dans d’autres études. Selon l’enquête Obepi, qui repose également sur des données déclaratives, mais où il est demandé aux participants de se peser, la part des hommes en surpoids ou en obésité est passée de 45,7 % à 53,1 % entre 1997 et 2012 et celle des femmes de 31,6 % à 42 %. L’obésité a quant à elle augmenté de 8,8% à 14,3 % chez les hommes et de 8,3 % à 15,7 % chez les femmes.
Selon la Ligue contre le cancer, qui mène les études Obepi, la part des personnes en surpoids et en obésité a stagné entre 2012 et 2020, mais celle des sujets obèses a augmenté. Une nouvelle étude nommée Esteban, reposant sur des données mesurées et objectives, est attendue pour 2025. Comprenant un volet sur les habitudes de vie et de nutrition des populations, elle permettra peut-être d’expliquer les différences de tendance entre les hommes et les femmes.
« Au vu de ces évolutions, le niveau élevé de la corpulence chez les adultes en France, qu’elle soit déclarée ou mesurée, justifie la poursuite, voire l’intensification, des programmes de lutte contre le surpoids et l’obésité, en encourageant une alimentation saine et équilibrée, en promouvant la pratique régulière d’une activité physique » conclut SPF. Une conclusion dans laquelle SPF n’évoque donc pas les solutions médicamenteuses et notamment les analogues du GLP-1 (Ozempic, Mounjaro…).
Devenus extrêmement populaires aux Etats-Unis pour lutter contre le surpoids (plus de 15 millions d’Américains en consomment), ces médicaments sont encore utilisés avec parcimonie en France où ils sont observés avec une certaine méfiance. Le dernier avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le Mounjaro (tirzépatide) illustre bien cette méfiance : ce médicament ne sera pris en charge qu’en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle.
Article rédigé par Quentin Haroche - Source : JIM (Journal International de Médecine)
Vérifié/Révisé sept. 2024
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